sa poigne solide, pouvait être le maître, le chef reconnu. Depuis le Salon des Refusés, l’école du plein air s’était élargie, toute une influence croissante se faisait sentir ; malheureusement, les efforts s’éparpillaient, les nouvelles recrues se contentaient d’ébauches, d’impressions bâclées en trois coups de pinceau ; et l’on attendait l’homme de génie nécessaire, celui qui incarnerait la formule en chefs-d’œuvre. Quelle place à prendre ! dompter la foule, ouvrir un siècle, créer un art ! Claude les écoutait, les yeux à terre, la face envahie d’une pâleur. Oui, c’était bien là son rêve inavoué, l’ambition qu’il n’osait se confesser à lui-même. Seulement, il se mêlait à la joie de la flatterie une étrange angoisse, une peur de cet avenir, en les entendant le hausser à ce rôle de dictateur, comme s’il eût triomphé déjà.
— Laissez donc ! finit-il par crier, il y en a qui me valent, je me cherche encore !
Jory, agacé, fumait en silence. Brusquement, comme les deux autres s’entêtaient, il ne put retenir cette phrase :
— Tout ça, mes petits, c’est parce que vous êtes embêtés du succès de Fagerolles.
Ils se récrièrent, éclatèrent en protestations. Fagerolles ! le jeune maître ! quelle bonne farce !
— Oh ! tu nous lâches, nous le savons, dit Mahoudeau. Il n’y a pas de danger que tu écrives deux lignes sur nous, maintenant.
— Dame, mon cher, répondit Jory, vexé, tout ce que j’écris sur vous, on me le coupe. Vous vous faites exécrer partout… Ah ! si j’avais un journal à moi !
Henriette reparut, et les yeux de Sandoz ayant cherché les siens, elle lui répondit d’un regard, elle