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Il s’enrageait tellement à son travail, qu’il n’entendit pas.

— Dis ? le poêle s’est éteint, nous allons prendre du mal… Couchons-nous. 

Cette voix suppliante le pénétra, le fit tressaillir d’une brusque exaspération.

— Eh ! couche-toi, si tu veux !… Tu vois bien que je veux achever quelque chose. 

Un instant, elle demeura encore, saisie devant cette colère, la face douloureuse. Puis, se sentant importune, comprenant que sa seule présence de femme inoccupée le mettait hors de lui, elle quitta la table et alla se coucher, en laissant la porte grande ouverte. Une demi-heure, trois quarts d’heure s’écoulèrent ; aucun bruit, pas même un souffle, ne sortait de la chambre ; mais elle ne dormait point, allongée sur le dos, les yeux ouverts dans l’ombre ; et elle se risqua timidement à jeter un dernier appel, du fond de l’alcôve ténébreuse.

— Mon mimi, je t’attends… De grâce, mon mimi, viens te coucher. 

Un juron seul répondit. Rien ne bougea plus, elle s’était assoupie peut-être. Dans l’atelier, le froid de glace augmentait, la lampe charbonnée brûlait avec une flamme rouge ; tandis que lui, penché sur son dessin, ne paraissait pas avoir conscience de la marche lente des minutes.

À deux heures, pourtant, Claude se leva, furieux de ce que la lampe s’éteignait, faute d’huile. Il n’eut que le temps de l’apporter dans la chambre, pour ne pas s’y déshabiller à tâtons. Mais son mécontentement grandit encore, en apercevant Christine, sur le dos, les yeux ouverts.

— Comment ! tu ne dors pas ?

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