salle. Il n’entra pas, discret, souriant, portant sa fortune avec son aisance de garçon d’esprit. Du reste, il cherchait quelqu’un, il appela d’un signe un jeune homme et lui donna une réponse, heureuse sans doute, car ce dernier déborda de reconnaissance. Deux autres se précipitèrent pour le congratuler ; une femme le retint, en lui montrant avec des gestes de martyre une nature morte, placée dans l’ombre d’une encoignure. Puis il disparut, après avoir jeté, sur le peuple en extase devant son tableau, un seul coup d’œil.
Claude, qui regardait et écoutait, sentit alors sa tristesse lui noyer le cœur. La bousculade augmentait toujours, il n’avait plus en face de lui que des figures béantes et suantes, dans la chaleur devenue intolérable. Par-dessus les épaules, d’autres épaules montaient, jusqu’à la porte, d’où ceux qui ne pouvaient rien voir, se signalaient le tableau, du bout de leurs parapluies, ruisselant des averses du dehors. Et Bongrand restait là par fierté, tout droit dans sa défaite, solide sur ses vieilles jambes de lutteur, les regards clairs sur Paris ingrat. Il voulait finir en brave homme, dont la bonté est large. Claude, qui lui parla sans recevoir de réponse, vit bien que, derrière cette face calme et gaie, l’âme était absente, envolée dans le deuil, saignante d’un affreux tourment ; et, saisi d’un respect effrayé, il n’insista pas, il partit, sans même que Bongrand s’en aperçut, de ses yeux vides.
De nouveau, au travers de la foule, une idée venait de pousser Claude. Il s’ébahissait de n’avoir pu découvrir son tableau. Rien n’était plus simple. N’y avait-il donc pas une salle où l’on riait, un coin de blague et de tumulte, un attroupement de public