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— Vous avez mangé ici, quelle idée ! on y est si mal !… Nous autres, nous revenons de chez Ledoyen. Oh ! un monde, une bousculade, une gaieté !… Approchez donc votre table que nous causions un peu.

On réunit les deux tables. Mais déjà des flatteurs, des solliciteurs relançaient le jeune maître triomphant. Trois amis se levèrent, le saluèrent bruyamment de loin. Une dame tomba dans une contemplation souriante, lorsque son mari le lui eut nommé à l’oreille. Et le grand maigre, l’artiste mal placé qui ne dérageait pas et le poursuivait depuis le matin, quitta une table du fond où il se trouvait, accourut de nouveau se plaindre, en exigeant la cimaise, immédiatement.

— Eh ! fichez-moi la paix !  finit par crier Fagerolles, à bout d’amabilité et de patience.

Puis, lorsque l’autre s’en fut allé, en mâchonnant de sourdes menaces :

— C’est vrai, on a beau vouloir être obligeant, ils vous rendraient enragés !… Tous sur la cimaise ! des lieues de cimaise !… Ah ! quel métier que d’être du jury ! On s’y casse les jambes et l’on n’y récolte que des haines !

De son air accablé, Claude le regardait. Il sembla s’éveiller un instant, il murmura d’une langue pâteuse :

— Je t’ai écrit, je voulais aller te voir pour te remercier… Bongrand m’a dit la peine que tu as eue… Merci encore, n’est-ce pas ?

Mais Fagerolles, vivement, l’interrompit.

— Que diable ! je devais bien ça à notre vieille amitié… C’est moi qui suis content de t’avoir fait ce plaisir.

Et il avait cet embarras qui le reprenait toujours

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