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calomnie du marchand de vin d’en face, disaient les personnes bien pensantes. Depuis que le veuf s’était remarié, l’herboristerie dépérissait. Les bocaux semblaient pâlir, les herbes séchées du plafond tombaient en poussière, lui-même toussait à rendre l’âme, réduit à rien, la chair finie. Et, bien que Mathilde eût de la religion, la clientèle pieuse l’abandonnait peu à peu, trouvant qu’elle s’affichait trop avec des jeunes gens, maintenant que Jabouille était mangé.

Un instant, elle resta immobile, fouillant les coins d’un rapide coup d’œil. Une senteur forte s’était répandue, la senteur des simples dont sa robe se trouvait imprégnée, et qu’elle apportait dans sa chevelure grasse, défrisée toujours : le sucre fade des mauves, l’âpreté du sureau, l’amertume de la rhubarbe, mais surtout la flamme de la menthe poivrée, qui était comme son haleine propre, l’haleine chaude qu’elle soufflait au nez des hommes.

D’un geste, elle feignit la surprise.

— Ah ! mon Dieu ! vous avez du monde !… Je ne savais pas, je reviendrai.

— C’est ça, dit Mahoudeau, très contrarié. Je vais sortir d’ailleurs. Vous me donnerez une séance dimanche. 

Claude, stupéfait, regarda Mathilde, puis la Vendangeuse.

— Comment ! cria-t-il, c’est madame qui te pose ces muscles-là ? Bigre, tu l’engraisses !

Et les rires recommencèrent, pendant que le sculpteur bégayait des explications : oh ! non, pas le torse, ni les jambes ; rien que la tête et les mains ; et encore quelques indications, pas davantage.

Mais Mathilde riait avec les autres, d’un rire aigu

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