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se soignait. Il s’était levé, avec un geste de colère, prêt à la chasser, ainsi qu’il avait chassé Clotilde. Puis, par un dernier effort de volonté, il redevint déférent.

— Ma mère, vous savez bien que je n’ai jamais voulu discuter avec vous… Laissez-moi, je vous en prie.

Elle ne céda pas, l’entreprit sur sa continuelle méfiance. C’était lui qui se donnait la fièvre, à toujours croire que des ennemis l’entouraient de pièges, le guettaient pour le dévaliser. Est-ce qu’un homme de bon sens allait s’imaginer qu’on le persécutait ainsi ? Et, d’autre part, elle l’accusa de s’être trop monté la tête, avec sa découverte, sa fameuse liqueur qui guérissait toutes les maladies. Ça ne valait rien non plus de se croire le bon Dieu. D’autant plus que les déceptions étaient alors cruelles ; et elle fit une allusion à Lafouasse, à cet homme qu’il avait tué : naturellement, elle comprenait que ça ne devait pas lui avoir été agréable, car il y avait de quoi en prendre le lit.

Pascal, qui se contenait toujours, les yeux à terre, se contenta de répéter :

— Ma mère, je vous en prie, laissez-moi.

— Eh ! non, je ne veux pas te laisser, cria-t-elle avec son impétuosité ordinaire, malgré son grand âge. Je suis justement venue pour te bousculer un peu, pour te sortir de cette fièvre où tu te ronges… Non, ça ne peut pas durer ainsi, je n’entends pas que nous redevenions la fable de la ville entière, avec tes histoires… Je veux que tu te soignes.

Il haussa les épaules, il dit à voix basse, comme à lui-même, d’un air de constatation inquiète :

— Je ne suis pas malade.

Mais, du coup, Félicité sursauta, hors d’elle.

— Comment, pas malade ! comment, pas malade !… Il n’y a vraiment qu’un médecin pour ne pas se voir… Eh !

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