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à l’intuition délicate de femme qu’elle avait du nouveau Paris.

— Jamais l’oncle Deleuze ne voudra, murmura-t-elle. Puis, mon mari est trop souffrant.

Alors, la voyant ébranlée, Octave prit sa voix de séduction, une voix d’acteur, douce et chantante. Il la chauffait en même temps de ses yeux couleur de vieil or, que des femmes disaient irrésistibles. Mais, le bec de gaz avait beau brûler près de sa nuque, elle restait sans une chaleur à la peau, elle tombait seulement dans une rêverie, sous l’étourdissement des paroles intarissables du jeune homme. Il en était arrivé à étudier l’affaire au point de vue des chiffres, à établir déjà un devis approximatif, de l’air passionné dont un page romantique aurait déclaré un amour longtemps contenu. Lorsque, brusquement, elle sortit de ses réflexions, elle se trouva dans ses bras. Il la poussait sur le canapé, croyant qu’elle cédait enfin.

— Mon Dieu ! c’était pour ça ! dit-elle avec un accent de tristesse, en se débarrassant de lui comme d’un enfant importun.

— Eh bien ! oui, je vous aime, cria-t-il. Oh ! ne me repoussez pas. Avec vous, je ferai de grandes choses…

Et il alla ainsi jusqu’au bout de la tirade, qui sonnait faux. Elle ne l’interrompit pas, elle s’était remise à feuilleter le registre, debout. Puis, quand il se tut :

— Je sais tout ça, on me l’a déjà dit… Mais je vous croyais plus intelligent que les autres, monsieur Octave. Vous me faites de la peine, vraiment, car j’avais compté sur vous. Enfin, tous les jeunes gens manquent de raison… Nous avons besoin de beaucoup d’ordre, dans une maison telle que la nôtre, et vous commencez par vouloir des choses qui nous dérangeraient du matin au soir. Je ne suis pas une femme ici, j’ai trop d’affaires… Voyons, vous qui êtes si bien

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