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— « Il est venu aujourd’hui, n’est-ce pas ? »

— « Non ! »

— « C’est singulier »

Et, une minute après :

— « Où vas-tu ce soir ? »

— « Chez Alphonsine », dit Rosanette ; ce qui était la troisième version sur la manière dont elle devait passer la soirée.

Mlle Vatnaz reprit :

— « Et le vieux de la Montagne, quoi de neuf ? »

Mais, d’un brusque clin d’œil, la Maréchale lui commanda de se taire ; et elle reconduisit Frédéric jusque dans l’antichambre, pour savoir s’il verrait bientôt Arnoux.

— « Priez-le donc de venir ; pas devant son épouse, bien entendu ! »

Au haut des marches, un parapluie était posé contre le mur, près d’une paire de socques.

— « Les caoutchoucs de la Vatnaz », dit Rosanette. « Quel pied, hein ? Elle est forte, ma petite amie ! »

Et d’un ton mélodramatique, en faisant rouler la dernière lettre du mot :

— « Ne pas s’y fierrr ! »

Frédéric, enhardi par cette espèce de confidence, voulut la baiser sur le col. Elle dit froidement :

— « Oh ! faites ! Ça ne coûte rien ! »

Il était léger en sortant de là, ne doutant pas que la Maréchale ne devînt bientôt sa maîtresse. Ce désir en éveilla un autre ; et, malgré l’espèce de rancune qu’il lui gardait, il eut envie de voir Mme Arnoux.

D’ailleurs, il devait y aller pour la commission de Rosanette.

— « Mais, à présent », songea-t-il (six heures sonnaient), « Arnoux est chez lui, sans doute. »

Il ajourna sa visite au lendemain.

Elle se tenait dans la même attitude que le premier jour, et cousait une chemise d’enfant. Le petit garçon

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