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nations et d’égorgements, beaucoup finissaient par ne plus croire qu’au destin et à la mort ; et chaque soir ils s’endormaient dans la placidité des bêtes féroces. Spendius aurait craché sur les images de Jupiter Olympien ; cependant il redoutait de parler haut dans les ténèbres, et il ne manquait pas, tous les jours, de se chausser d’abord du pied droit.

Il élevait, en face d’Utique, une longue terrasse quadrangulaire. Mais, à mesure qu’elle montait, le rempart grandissait aussi ; ce qui était abattu par les uns, presque immédiatement se trouvait relevé par les autres. Spendius ménageait ses hommes, rêvait des plans ; il tâchait de se rappeler les stratagèmes qu’il avait entendu raconter dans ses voyages. Pourquoi Narr’Havas ne revenait-il pas ? On était plein d’inquiétudes.

Hannon avait terminé ses apprêts. Par une nuit sans lune, il fit, sur des radeaux, traverser à ses éléphants et à ses soldats le golfe de Carthage. Puis ils tournèrent la montagne des Eaux-Chaudes pour éviter Autharite, et continuèrent avec tant de lenteur qu’au lieu de surprendre les Barbares un matin, comme avait calculé le Suffète, on n’arriva qu’en plein soleil, dans la troisième journée.

Utique avait, du côté de l’orient, une plaine qui s’étendait jusqu’à la grande lagune de Carthage ; derrière elle débouchait à angle droit une vallée comprise entre deux basses montagnes s’interrompant tout à coup ; les Barbares s’étaient campés plus loin sur la gauche, de manière à bloquer le port ; et ils dormaient dans leurs tentes

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