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pour laisser monter son maître. Pourquoi donc le renvoyait-il ? Était-ce un sacrifice ?

Le grand cheval galopait au milieu des lances, renversait les hommes, et, s’embarrassant les pieds dans ses entrailles, tombait, puis se relevait avec des bonds furieux ; et pendant qu’ils s’écartaient, tâchaient de l’arrêter ou regardaient tout surpris, les Carthaginois s’étaient rejoints ; ils entrèrent : la porte énorme se referma derrière eux, en retentissant.

Elle ne céda pas. Les Barbares vinrent s’écraser contre elle ; et durant quelques minutes, sur toute la longueur de l’armée, il y eut une oscillation de plus en plus molle et qui enfin s’arrêta.

Les Carthaginois avaient mis des soldats sur l’aqueduc ; ils commençaient à lancer des pierres, des balles, des poutres. Spendius représenta qu’il ne fallait point s’obstiner. Ils allèrent s’établir plus loin, tous bien résolus à faire le siège de Carthage.

Cependant, la rumeur de la guerre avait dépassé les confins de l’empire punique ; et, des colonnes d’Hercule jusqu’au-delà de Cyrène, les pasteurs en rêvaient en gardant leurs troupeaux, et les caravanes en causaient la nuit, à la lueur des étoiles. Cette grande Carthage, dominatrice des mers, splendide comme le soleil et effrayante comme un dieu, il se trouvait des hommes qui l’osaient attaquer ! On avait plusieurs fois affirmé sa chute ; et tous y avaient cru, car tous la souhaitaient : les populations soumises, les villages tributaires, les provinces alliées, les hordes indépendantes, ceux qui l’exécraient pour sa tyrannie, ou qui

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