cercueils. On les brûlait au milieu des cours. Mais les feux, trop à l’étroit, incendiaient les murailles voisines, et de longues flammes, tout à coup, s’échappaient des maisons comme du sang qui jaillit d’une artère. Ainsi Moloch possédait Carthage ; il étreignait les remparts, il se roulait dans les rues, il dévorait jusqu’aux cadavres.
Des hommes qui portaient, en signe de désespoir, des manteaux faits de haillons ramassés, s’établirent au coin des carrefours. Ils déclamaient contre les Anciens, contre Hamilcar, prédisaient au peuple une ruine entière et l’engageaient à tout détruire et à tout se permettre. Les plus dangereux étaient les buveurs de jusquiame ; dans leurs crises, ils se croyaient des bêtes féroces et sautaient sur les passants, qu’ils déchiraient. Des attroupements se faisaient autour d’eux ; on en oubliait la défense de Carthage. Le Suffète imagina d’en payer d’autres pour soutenir sa politique.
Afin de retenir dans la ville le génie des dieux, on avait couvert de chaînes leurs simulacres. On posa des voiles noirs sur les Patæques et des cilices autour des autels ; on tâchait d’exciter l’orgueil et la jalousie des Baals en leur chantant à l’oreille : « Tu vas te laisser vaincre ! les autres sont plus forts, peut-être ? Montre-toi ! aide-nous ! afin que les peuples ne disent pas : Où sont maintenant leurs dieux ? »
Une anxiété permanente agitait les collèges des pontifes. Ceux de la Rabbet surtout avaient peur, le rétablissement du zaïmph n’ayant pas servi. Ils se tenaient enfermés dans la troisième enceinte, inexpugnable comme une forteresse. Un seul