ans dans la boutique du libraire sans qu’il s’en fût débité
un seul. — Le libraire, désespérant de s’en défaire et, ayant besoin de la place que l’édition occupait, allait la faire passer chez l’épicier, quand tout à coup les acheteurs se présentèrent en si grand nombre qu’elle fut bientôt entièrement épuisée et que l’on fut obligé d’en faire promptement une seconde. La cause de ce succès inespéré est douteuse. Les uns l’attribuent au père Baillet, jésuite ; d’autres à M. Nicole, qui, ayant trouvé le poème de la Magdelaine à la bibliothèque des Billettes, le parcourut, et, singulièrement réjoui par la verve burlesque et extravagante qui l’anime d’un bout à l’autre, le mit dans sa poche et l’emporta à Port-Royal-des-Champs, où il en fit part aux solitaires. Ceux-ci rirent au éclats des incongruités et des baroqueries qui se hérissent à chaque vers de cet étonnant poème, et le firent acheter par tous leurs amis. Voilà comment l’édition s’enleva, et comment le nom, auparavant obscur, du père Pierre de Saint-Louis acquit subitement une énorme célébrité. L’ouvrage eut tout d’abord une très-grande vogue dans les communautés, principalement chez les bénédictins de Saint-Maur, puis chez les pères de l’Oratoire, les jésuites, les pères de la doctrine chrétienne, où il y avait beaucoup d’Italiens qui l’admiraient le plus sérieusement du monde, et estimaient les concetti dont il fourmille à l’égal de ceux du célèbre cavalier Marin. Lamonnoye l’inséra dans son Recueil de pièces choisies, tant en prose qu’en vers, qui parut en 1714. Rien ne manquait au triomphe que le pauvre Pierre de Saint-Louis, qui s’était trop dépêché de mourir. Quelle joie pour lui s’il avait pu