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le nez assez gros, quoique de forme aquiline ; la lèvre inférieure

bouffie et dédaigneusement saillante ; la figure de quelqu’un qui a aimé et souffert, qui a pensé et qui a agi, qui a manqué de tout et abusé de tout ; la figure d’un poëte qui a vécu enfin, chose malheureusement trop rare parmi les poëtes. — Le portrait, du reste, est confirmé par cette ligne de Théophile. « La nature et la fortune ne m’ont pas donné beaucoup de parties à plaire. » Mais les agréments de son esprit, qu’il avait subtil et prompt, compensaient, et au delà, le manque d’agréments naturels, et il n’en était pas moins bien venu dans les meilleures sociétés et recherché par les jeunes seigneurs qui se piquaient de poésie. — En effet, il est difficile d’avoir un plus heureux tempérament poétique que Théophile. — Il a de la passion non-seulement pour les hommes de vertu, pour les belles femmes, mais aussi pour toutes les belles choses ; il aime un beau jour, des fontaines claires, l’aspect des montagnes, l’étendue d’une grande plaine, de belles forêts, l’océan, ses vagues, son calme, ses rivages ; il aime encore tout ce qui touche plus particulièrement les sens, la musique, les fleurs, les beaux habits, la chasse, les beaux chevaux, les bonnes odeurs, la bonne chère ; c’est une âme facile et pleine de sympathies, prête à se passionner à propos de tout et de rien, un vrai cristal à mille facettes, réfléchissant dans chacune de ses nuances un tableau différent, avivé et nuancé de tous les feux de l’Iris, et je ne sais vraiment pourquoi son nom est si totalement oublié, tandis que celui de Malherbe, l’éplucheur juré de diphtongues, est partout cité avec honneur. Mais, comme je l’ai dit, Théophile était né sous

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