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cherchent pas le nouveau aux dépens de la raison et de la beauté.

Tout ce versant, pulvérant de soleil et de lumière, est obstrué de végétations sauvages et vigoureuses ; les aloès, aux lames de fer-blanc peint, aux lances épanouies comme des chandeliers à plusieurs branches ; les cactus, aux palettes hérissées, aux coudes difformes ; les figuiers, au feuillage verni, s’y mêlent dans un désordre vivace. À travers ce fouillis de verdure se croisent, en s’enlaçant comme des mailles, des multitudes de petits sentiers poussiéreux frayés par les Arabes, et qui, vus du large, ressemblent à un grand filet qu’on aurait étendu sur le flanc de la colline pour le faire sécher. Quelques palmiers — de jour en jour plus rares, hélas ! — ouvrent çà et là, au bord du ciel, leur araignée de feuilles, monogramme et signature de l’Orient.

Au bas, par delà les lignes de maisons du faubourg de Bab-Azoun et de Mustapha-Inférieur, apparaît la nappe bleue de la mer, ourlant d’une mince frange argentée la courbe gracieuse du rivage.

Quel admirable horizon que la mer vue de haut ! — La peinture n’en a jamais donné l’idée. C’est trop grand et trop simple. On reste là dans une muette contemplation, et les heures coulent sans qu’on s’en aperçoive.

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