largeur, et ses rives sont si basses, que, placé au milieu du fleuve, on ne les aperçoit pas ; ce n’est qu’au bout de plusieurs milles qu’on les découvre, minces, plates, linéaments noirs entre le ciel gris et l’eau jaune. Plus le fleuve se resserre, plus la foule des vaisseaux devient compacte : les palettes des bateaux à vapeur qui remontent et descendent fouettent l’eau sans pitié et sans relâche ; les fumées qui sortent de leurs colonnes de tôle entrecroisent leurs noirs panaches et vont former au ciel, qui s’en passerait bien, de nouveaux bancs de nuage ; le soleil, s’il y avait un soleil à Londres, en serait obscurci. On entend de tous côtés râler et siffler les poumons des machines, dont les narines de fer laissent jaillir des fusées de vapeur bouillante.
Rien n’est plus pénible à entendre que cette respiration asthmatique et stridente, que ces gémissements de la matière aux abois et poussée à bout, qui semble se plaindre et demander grâce comme un esclave épuisé qu’un maître inhumain surcharge de travail.