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en Italie, on n’a rien bâti depuis trois cent ans ; elle a conservé sa physionomie du quinzième siècle ; pas une construction nouvelle ne vient faire dissonance. Ce luxe des habitations fait un singulier contraste avec la misère des habitants. Ce sont des résidences royales occupées par des gueux. C’est comme si une famille ruinée était forcée, faute de se pouvoir loger ailleurs, de garder la maison de ses pères jadis riches, et de courir en guenilles et nu-pieds par les beaux appartements dorés et couverts, de tableaux. Le comfort est ce qui manque absolument à Venise, ville bâtie dans un autre temps, pour d’autres mœurs et d’autres usages. Les mœurs et les usages s’en sont allés ; la ville reste ; et ceux qui y sont n’ont pas de quoi la refaire. Venise maintenant n’est plus qu’une admirable décoration, un beau sujet de diorama ; tout y est sacrifié à l’extérieur.

Artistes ! pendant qu’elle est encore debout, et dans quelque temps d’ici ce ne sera plus qu’une ruine immense au milieu d’un marais méphitique, praticable tout au plus pour les

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