Je n’ai jamais rien vu de plus gracieux et de plus frais que le tableau qui se déroula devant mes yeux au sortir de cette vieille vilaine ville, tout enfumée et toute noire de charbon.
Le ciel était d’un bleu très-pâle qui tournait au lilas clair en s’approchant de la zone de reflets roses que le soleil levant suspendait au bord de l’horizon. Le terrain ondulait mollement, de façon à rompre la monotonie des lignes presque toujours plates dans ce pays, et de petits lisérés d’azur terminaient harmonieusement la vue de chaque côté du chemin ; d’immenses plantations d’œillettes tout emperlées de rosée frissonnaient doucement sous l’haleine du matin, comme les épaules d’une jeune fille au sortir du bal ; la fleur de l’œillette est presque pareille à celle de l’iris, d’un bleu délicat, où le blanc domine ; ces grandes nappes azurées avaient l’air de morceaux de ciel qu’une lavandière divine aurait étendus par terre pour les faire sécher. Le ciel lui-même ressemblait à un carré d’œillettes renversé, si la comparaison vous plaît mieux, tournée de cette manière ;