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Blanche.

Mon père !


Triboulet, la serrant avec emportement dans ses bras.

Est-il ailleurs un cœur qui me réponde ?
Oh ! je t’aime pour tout ce que je hais au monde !
— Assieds-toi près de moi. Viens, parlons de cela.
Dis, aimes-tu ton père ? et puisque nous voilà
Ensemble, et que ta main entre mes mains repose,
Qu’est-ce donc qui nous force à parler d’autre chose ?
Hé fille, ô seul bonheur que le ciel m’ait permis,
D’autres ont des parents, des frères, des amis,
Une femme, un mari, des vassaux, un cortège
D’aïeux et d’alliés, plusieurs enfants, que sais-je ?
Moi, je n’ai que toi seule ! Un autre est riche, — eh bien,
Toi seule es mon trésor, et toi seule es mon bien !
Un autre croit en Dieu. Je ne crois qu’en ton âme !
D’autres ont la jeunesse et l’amour d’une femme,
Ils ont l’orgueil, l’éclat, la grâce et la santé,
Ils sont beaux ; moi, vois-tu, je n’ai que ta beauté !
Chère enfant ! — Ma cité, mon pays, ma famille,
Mon épouse, ma mère, et ma sœur, et ma fille,
Mon bonheur, ma richesse, et mon culte, et ma loi,
Mon univers, c’est toi, toujours toi, rien que toi !
De tout autre côté ma pauvre âme est froissée.
— Oh ! si je te perdais !… — Non, c’est une pensée
Que je ne pourrais pas supporter un moment !
— Souris-moi donc un peu. — Ton sourire est charmant.
Oui, c’est toute ta mère ! — Elle était aussi belle.

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