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« Homme libre et qui n’adorais point l’argent, habitué à respirer les grands courants de la vie qui balaient les miasmes de la nature, je ne m’attardais dans cette maison — où tout était vicié par l’égoïsme et la bêtise — que pour celle qui aspirait de toutes ses forces à la liberté.

« Souvent nous restions presque seuls. On fermait le magasin avec l’arrivée de la nuit. La tante allait se coucher ; elle se levait tôt. Et alors, — près du père (dont on ne savait, sinon d’après ses gémissements, quand il dormait et quand il était éveillé), — Tincoutza, penchée sur sa broderie, me disait, avec une œillade qui me glaçait le sang :

« Racontez-moi quelque chose, monsieur Isvoranu ; quelque chose de triste… »

Le père criait :

« Non, pas triste ! Cela me barbe !…

— Bien, alors quelque chose de gai, » ajoutait-elle, mélancolique.

« Je vous raconterai quelque chose qui soit pour tous les goûts, » disais-je. « L’an passé, je me trouvais avec de la marchandise dans une foire sur la Jalomitza[1] Vous savez que, dans une foire, être bien avec tout le monde c’est une conduite sage. On

  1. Rivière en Roumanie.
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