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Varenne, de Barère, de Saint-Just, de Robespierre. Et le général Jourdan leur répondait :

…que cette nouvelle, portée par lui à l'ordre de l'armée, allait rehausser encore son courage pour l'attaque du surlendemain.

Il n'est pas de plus pauvre conception ou de plus sot artifice que de séparer dans le jugement porté sur l'œuvre révolutionnaire, l'armée de la Révolution de son Gouvernement. Isoler ainsi l'armée de l'action révolutionnaire centrale c'est ne rien comprendre à l'armée elle-même. Tout n'était à Paris, selon Taine, que fange sanglante ; mais pour l'armée, la Révolution lointaine était restée aussi pure, aussi blanche que les statues de la Liberté que les soldats faisaient au camp avec de la neige. Taine se trompe. C'est de tout près que les soldats voient la Révolution. Ce sont les soldats surtout, ce sont surtout ceux de l'armée du Nord, qui avaient vu à l'œuvre, sur place, les forces dissolvantes de la contre-révolution. Ce sont eux qui avaient constaté ses trahisons, ses roueries, la defection des chefs aristocrates, la trahison plus redoutable des hommes comme Dumouriez qui, d'abord serviteur de la Révolution, s'était mis peu à peu, par irritation d'amour-propre ou calcul d'ambition, à la chicaner et à lui bouder pour passer ensuite à l'ennemi. Et ils avaient conclu dans ces épreuves que ceux-là seuls sauveraient la patrie, la Révolution, l'armée elle-même, qui se donneraient tout entiers à l'action nationale et révolutionnaire, sans réserve, sans chicane, sans diversion. C'est parce qu'ils sentaient dans la Convention montagnarde et dans le Comité de Salut public cette volonté concentrée et indomptable qu'ils en acceptaient joyeusement la discipline. Ils faisaient ainsi un grand acte politique dans leur vie de soldat. Bien loin d'isoler l'armée par une sorte de pudeur et comme pour lui épargner la flétrissure des crimes commis là-bas, ils savaient que l'armée elle-même ne serait qu'un foyer d'intrigues contre-révolutionnaires et de menées traitresses si elle n'était pas contrôlée et vivifiée par l'esprit toujours

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