à imposer deux fois aux peuples l'entretien des troupes, sous forme d'impôts en argent et de réquisitions en nature. D'ailleurs, la crainte des désertions et la préoccupation d'isoler l'armée auraient fait rejeter les cantonnements et la nourriture chez l'habitant. L'armée demeurait donc groupée sous la tente et en liaison permanente avec ses centres de ravitaillement dont elle ne pouvait s'écarter de plus de cinq à six jours de marche. Les opérations subissaient de ce chef de nombreux temps d'arrêt, alors même qu'elle n'aurait pas langui par défaut d'impulsion et par des considérations politiques. On s'épuisait en marches et contre-marches pour menacer les lignes vitales de communication sans risquer de bataille décisive… La guerre, réduite à la possession de postes ou à des sièges, donnait à la possession du sol, à ses propriétés défensives une importance capitale. On admettait des positions inattaquables, et le fin de l'art consistait à décamper, à bout de vivres, sans prêter le flanc pendant la marche, qui était toujours une période critique.
Cela est vrai sans doute, au moins en grande partie, mais d'une vérité bien sommaire et bien grossière. D'habitude, en effet, les guerres d'ancien régime ne sont pas des guerres à fond, au même degré que les guerres de la Révolution et de l'Empire. Ce n'est pas ici le lieu de discuter les raisons qu'en donne Gilbert, et d'ailleurs on pourrait citer des exceptions graves et qui suffiraient à ruiner un système abstrait et trop absolu ; mais à ne retenir que ce que dit Gilbert de la stratégie et de la tactique, est-ce qu'elles furent dans les guerres françaises du XVIIe siècle aussi molles, aussi paresseuses, aussi économes des forces humaines et des effets véhéments qu'il le dit ? Quand Condé et Turenne, dans les années qui précédèrent la grande paix de Westphalie, pressaient en Allemagne les Impériaux, quand Turenne pressait en France les Espagnols, les deux grands capitaines cherchaient, en s'exposant eux-mêmes et leurs armées, à porter des coups décisifs. Ils subissaient et infligeaient les pertes les plus cruelles ; dans leurs marches rapides, dans leurs surprises, dans leurs offensives brusques, ils n'étaient pas les esclaves du terrain et de leurs bagages au point où le dit le jeune doctrinaire napoléonien. Il n'est que d'ouvrir les mémoires