Isoler une époque pour en extraire des formules, c'est nécessairement tomber en servitude ; c'est devenir aussi, en un sens, prisonnier du terrain ; c'est croire qu'il y a, dans l'esprit humain, comme dans la nature, « des positions fortes » et des systèmes d'action tout faits. Étudier à fond Napoléon et son œuvre dans la suite des faits et des idées, c'est excellent. Trop s'éblouir de lui comme du maître éternel et du dieu de la guerre, c'est s'exposer, dans les temps nouveaux, aux plus terribles surprises de l'action et de la pensée ; c'est se vouer à une routine militaire d'autant plus dangereuse qu'elle est tout éclatante des victoires passées. Dans toutes les grandes palpitations de la vie nationale qui ont soulevé l'histoire, il y a un secret qu'il faut entendre, mais pour l'emporter vers la vie nouvelle, non pour s'y asservir comme à un mot d'ordre. À ceux qui risqueraient de s'aveugler en fixant trop obstinément le soleil d'Austerlitz, je suis tenté de dire : Élargissez votre horizon, et que le soleil d'un seul homme et d'un jour ne suffise pas à l'emplir.
C'est pourquoi je proteste contre le procédé de refoulement et d'exclusion qui rejette dans l'ombre du passé, et comme dans un autre monde dont nous n'aurions rien à retenir, les grandes guerres de la vieille France. Et si notre cœur s'émeut tout bas d'une sorte de complaisance pour l'homme qui, fidèle serviteur du roi, était surtout le fidèle serviteur de la France, qui avait assez de fermeté pour résister à la pensée du maître absolu et assez de désintéressement pour accepter, pour rechercher au service de la patrie la possibilité d'une défaite dont il eût porté tout le poids, s'il nous plaît de surprendre, dans l'émotion enthousiaste et tendre qui accueille sa victoire imprévue, dans l'universelle émotion de douleur qui accueille sa mort, la révélation d'une France profonde que nous cache trop souvent la majesté immobile du grand roi, ce n'est point pour donner à Turenne, par une interprétation caricaturale. je ne sais quelle figure de général révolutionnaire et comme un faux air de Hoche et de Marceau ; ce n'est pas pour