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pensum, bus un peu d’encre, et six heures arrivèrent.

La retenue était finie, on nous lâcha, je montai chez M. Laurier.

« Te voilà, gamin ?

— Oui, M’sieu.

— Toujours en retenue, donc !

— Non, M’sieu !

— Tu as faim ?

— Oui, M’sieu !

— Tu veux manger ?

— Non, M’sieu ! »

Je croyais plus poli de dire non : ma mère m’avait bien recommandé de ne pas accepter tout de suite, ça ne se faisait pas dans le monde. On ne va pas se jeter sur l’invitation comme un goulu, « tu entends ; » et elle prêchait d’exemple.

Nous avions dîné quelquefois chez des parents d’élèves.

« Voulez-vous de la soupe, Madame ?

— Non, si, comme cela, très peu…

— Vous n’aimez pas le potage ?

— Oh ! si, je l’aime bien, mais je n’ai pas faim…

— Diable ! pas faim, déjà ! »


« Tu dois toujours en laisser un peu dans le fond. » Encore une recommandation qu’elle m’avait faite.

En laisser un peu dans le fond.

C’est ce que je fis pour le potage, au grand étonnement de l’économe, qui avait déjà trouvé que j’étais

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