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l’île mystérieuse.

— Bien, répondit Cyrus Smith. Nous en ferons des soufflets de forge !

— Des soufflets de forge ! s’écria Pencroff. Eh bien ! voilà des phoques qui ont de la chance ! »

C’était, en effet, une machine soufflante, nécessaire pour le traitement du minerai, que l’ingénieur comptait fabriquer avec la peau de ces amphibies. Ils étaient de moyenne taille, car leur longueur ne dépassait pas six pieds, et, par la tête, ils ressemblaient à des chiens.

Comme il était inutile de se charger d’un poids aussi considérable que celui de ces deux animaux, Nab et Pencroff résolurent de les dépouiller sur place, tandis que Cyrus Smith et le reporter achèveraient d’explorer l’îlot.

Le marin et le nègre se tirèrent adroitement de leur opération, et, trois heures après, Cyrus Smith avait à sa disposition deux peaux de phoque, qu’il comptait utiliser dans cet état, et sans leur faire subir aucun tannage.

Les colons durent attendre que la mer eût rebaissé, et, traversant le canal, ils rentrèrent aux Cheminées.

Ce ne fut pas un petit travail que celui de tendre ces peaux sur des cadres de bois destinés à maintenir leur écartement, et de les coudre au moyen de fibres, de manière à pouvoir y emmagasiner l’air sans laisser trop de fuites. Il fallut s’y reprendre à plusieurs fois. Cyrus Smith n’avait à sa disposition que les deux lames d’acier provenant du collier de Top, et, cependant, il fut si adroit, ses compagnons l’aidèrent avec tant d’intelligence, que, trois jours après, l’outillage de la petite colonie s’était augmenté d’une machine soufflante, destinée à injecter l’air au milieu du minerai lorsqu’il serait traité par la chaleur, — condition indispensable pour la réussite de l’opération.

Ce fut le 20 avril, dès le matin, que commença « la période métallurgique », ainsi que l’appela le reporter dans ses notes. L’ingénieur était décidé, on le sait, à opérer sur le gisement même de houille et de minerai. Or, d’après ses observations, ces gisements étaient situés au bas des contreforts nord-est du mont Franklin, c’est-à-dire à une distance de six milles. Il ne fallait donc pas songer à revenir chaque jour aux Cheminées, et il fut convenu que la petite colonie camperait sous une hutte de branchages, de manière que l’importante opération fût suivie nuit et jour.

Ce projet arrêté, on partit dès le matin. Nab et Pencroff traînaient sur une claie la machine soufflante, et une certaine quantité de provisions végétales et animales, que, d’ailleurs, on renouvellerait en route.

Le chemin suivi fut celui des bois du Jacamar, que l’on traversa obliquement du sud-est au nord-ouest, et dans leur partie la plus épaisse. Il fallut se

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