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POÈMES BARBARES.


Tuez, tuez ! Jésus reconnaîtra les siens.
Écrasez les enfants sur la pierre, et les femmes !
Je vous livre, ô guerriers, ces pourceaux et ces chiens,
Pour que vous dépeciez leurs cadavres infâmes !

Gloire au Christ ! les bûchers luisent, flambeaux hurlants ;
La chair se fend, s’embrase aux os des hérétiques,
Et de rouges ruisseaux sur les charbons brûlants
Fument dans les cieux noirs au bruit des saints cantiques !

Dieu de miséricorde, ô justice, ô bonté,
C’est vous qui m’échauffez du feu de votre zèle ;
Et voici que mon coeur en est épouvanté,
Voici qu’un autre feu dans mes veines ruisselle !

Alleluia ! L’Église a terrassé Satan...
Mais j’entends une Voix terrible qui me nomme
Et me dit : — Loin de moi, fou furieux ! Va-t’en,
Ô moine tout gorgé de chair et de sang d’homme ! —

— À l’aide, sainte Vierge ! Écoutez-moi, Seigneur !
Cette cause, Jésus, n’était-ce point la vôtre ?
Si j’ai frappé, c’était au nom de votre honneur ;
J’ai combattu devant le siège de l’Apôtre.

J’ai vaincu, mais pour vous ! Regardez-moi mourir ;
Voyez couler encor de mes chairs condamnées
Ce sang versé toujours et que n’ont pu tarir
Les macérations de mes soixante années.

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