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il prit contact avec ce
paysage, et sur lesquels ensuite ce paysage a réagi ; mais en somme, toujours et uniquement, sa propre sensibilité. Appelons cela des paysages passionnés. Les descriptions de Chateaubriand, malgré leur éclat, restent un peu compassées. Il faut attendre les Mémoires d’outre-tombe. Là seulement il sera libre.
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Heureusement, dans l’Itinéraire même, il se détend quelquefois, pour nous parler de son domestique milanais Joseph, ou de son domestique français Julien, nous peindre ses divers hôtes, nous conter les réceptions qu’on lui fait, des incidents de voyage, des histoires de brigands. Voici un exemple de ce ton excellent :
Les courses sont de huit à dix lieues avec les mêmes chevaux ; on
leur laisse prendre haleine, sans manger, à peu près à moitié
chemin ; on remonte ensuite et l’on continue sa route. Le soir on
arrive quelquefois à un khan, masure abandonnée où l’on dort
parmi toutes sortes d’insectes et de reptiles sur un plancher
vermoulu. On ne vous doit rien dans ce khan lorsque vous n’avez
pas de firman de poste : c’est à vous de vous procurer des vivres
comme vous pouvez. Mon janissaire allait à la chasse dans les
villages ; il rapportait quelquefois des poulets que je m’obstinais
à payer ; nous les faisions rôtir sur des branches vertes
d’olivier, ou bouillir avec du riz pour faire un pilaf. Assis à
terre autour de ce festin, nous le déchirions avec nos doigts ;
le repas fini, nous allions nous laver la barbe et les mains au
premier ruisseau. Voilà comme on voyage aujourd’hui dans le pays
d’Alcibiade et d’Aspasie.
Au
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