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je passe à la lueur des flambeaux entre deux files de
laquais qui vont aboutir à cinq ou six respectueux secrétaires.
J’arrive, tout criblé sur ma route des mots : Monseigneur,
mylord, Votre Excellence, monsieur l’ambassadeur, à un salon
tapissé d’or et de soie. — Je vous en supplie, messieurs,
laissez-moi ! Trêve de ces mylords ! Que voulez-vous que je fasse
de vous ? Allez rire à la chancellerie comme si je n’étais pas
là. Prétendez-vous me faire prendre au sérieux cette mascarade ?
Pensez-vous que je sois assez bête pour me croire changé de
nature parce que j’ai changé d’habit ?
Non ; mais qu’il éprouve le besoin de le dire, c’est cela qui est fâcheux. (C’est tout à fait Jean-Jacques à Montmorency : « J’interpelle, dit Jean-Jacques, tous ceux qui m’ont vu durant cette époque, s’ils se sont jamais aperçus que cet état m’ait un instant ébloui,… s’ils m’ont vu moins uni dans mon maintien, moins simple dans mes manières », etc…) Chateaubriand continue intrépidement :
Le marquis de Londonderry va venir, dites-vous ; le duc de Wellington m’a demandé ; M. Canning me cherche ; lady Jersey m’attend à dîner avec M. Brougham ; lady Gwydir m’espère, à dix heures, dans sa loge à l’Opéra ; lady Mansfield à minuit, à Almack’s. Miséricorde ! où me fourrer ? Qui m’arrachera à ces persécutions ?…
Et ce ton se poursuit durant plusieurs pages, et c’est tout à fait affligeant. Car, est-ce que je me trompe ? Est-ce qu’il n’y a pas, au fond de cela, une
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