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UN HÉRITAGE


Voilà deux ans que Gustave Moreau est mort ; voilà deux ans qu’il a légué son œuvre à l’État, et, depuis deux ans, l’État se tait. L’État n’a pas encore accepté ; l’État n’a pas eu le temps de répondre au mort.

Un prodigieux artiste, pendant quarante années, s’enferme entre quatre murs qu’il fait bâtir dans le dessein de s’isoler des hommes. Là, loin du bruit que fait la Renommée autour des choses de l’Art, loin des honneurs qui viennent frapper à sa porte, laquelle ne s’ouvre point, sourd aux prières de ceux qui, tardifs enthousiastes d’œuvres qui se sont laissé voir, aspirent à contempler celles qui se cachent, seul, orgueilleusement seul dans cette prison sublime où tourbillonneront les oiseaux farouches de son rêve, il travaille. Pendant quarante années, oiseleur démoniaque ou divin des pensées envolées de son cerveau, il les poursuivra aux quatre

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