< Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
DERRIÈRE LE RIDEAU

Becque, et Victor de Cottens qui a hérité du ruban du prince de Sagan. À quelques fauteuils de là, Gavault qui se tire une moustache qui ne veut pas venir ; son secrétaire tait la même chose que lui… Voilà Schneider puis le beau Lionel ; il le sait bien, allez ! qu’il ressemble à Plonplon ; tous les calembours de Schneider ne feront pas qu’il l’oublie. Damoy ! le fier tragédien ! qui a tant crié dans Annabella. Il a bien maigri depuis. Ma parole, voilà Robert Gangnat, qu’on aime… quand on le connaît.

Mais, derrière moi, j’entends des cris, des sanglots. C’est la femme du directeur qui reproche à mon ami « de les avoir ruinés ». Mon ami répond : « Je vous attendais, madame. »

Je ne saurais vous dire par quel miracle la pièce, qui était tombée à plat au premier acte, s’est soudain relevée, pour un triomphe définitif, au second. À l’entr’acte, je me précipitai sur la scène et retrouvai l’auteur au trou du rideau.

— Ah ! ces salles de première, disait il, on est quelquefois injuste envers elles. On a grand tort. La pensée que nous allons avoir à séduire les plus beaux esprits de la capitale, et aussi les plus blasés, fait que nous nous astreignons à un effort fécond. Si ce public n’existait point, nous ne résisterions pas au désir de flatter les passions vulgaires de la multitude, et le niveau de l’art baisserait tous les jours.

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.