La vie sensible était en lui si abondante qu’il mourait et renaissait de deux sensations contraires.
Sabine, penchée sur une petite caisse de bois, y jetait les livres et les papiers que Philippe lui tendait. Soudain, reprenant des mains de la jeune femme un volume qu’il venait de lui remettre :
— Ah ! — dit-il, — voilà une admirable étude sur le crime et la pénalité que je vais lire là-bas.
Et son visage s’éclairait.
— Cela va vous amuser ? demanda Mme de Fontenay sur un ton d’apparente indifférence.
— Oh ! oui, — répondit Philippe, — avec cette voix d’amour qu’il avait en parlant des choses où son désir glissait. — Un si beau livre et un sujet si passionnant !
— Et moi, — répondit-elle, — qu’est-ce que j’aurai pour m’amuser ?
Il ne faut pas être grand connaisseur pour distinguer ceci de nos jalousies d’hommes. Nos jalousies sont humbles. Dans une page admirable de son Lys rouge, M. Anatole France a parfaitement fait saisir comment le bon sens, la raison, le manque de fatuité, le sentiment d’une indignité naturelle devant le caprice divin et la grâce arbitraire d’une femme adorée contribuent à tordre d’angoisse et à percer d’effroi le cœur du jaloux naturel : la blessure est d’autant plus cuisante qu’il prend de lui une estimation plus modeste. Chez Sabine de Fontenay, l’amour-propre est à vif. C’est un mélange d’amour-propre et d’orgueil tyran-