CLITANDRE
215 Mon cœur n’a jamais pu, tant il est né sincère,
Même dans votre Sœur flatter leur caractère,
Et les femmes docteurs ne sont point de mon goût.
Je consens qu’une femme ait des clartés de tout,
Mais je ne lui veux point la passion choquante
220 De se rendre savante afin d’être Savante ;
Et j’aime que souvent aux questions qu’on fait,
Elle sache ignorer les choses qu’elle sait ;
De son étude enfin je veux qu’elle se cache,
Et qu’elle ait du savoir sans vouloir qu’on le sache,
225 Sans citer les auteurs, sans dire de grands mots,
Et clouer de l’esprit à ses moindres propos.
Je respecte beaucoup Madame votre Mère,
Mais je ne puis du tout approuver sa chimère,
Et me rendre l’écho des choses qu’elle dit
230 Aux encens* qu’elle donne à son héros d’esprit.
Son Monsieur Trissotin me chagrine, m’assomme,
Et j’enrage de voir qu’elle estime un tel homme,
Qu’elle nous mette au rang des grands et beaux esprits
Un benêt dont partout on siffle les écrits,
235 Un pédant dont on voit la plume libérale
D’officieux papiers fournir toute la halle*.
HENRIETTE
Ses écrits, ses discours, tout m’en semble ennuyeux,
Et je me trouve assez votre goût et vos yeux
Mais comme sur ma Mère il a grande puissance,
240 Vous devez vous forcer à quelque complaisance.
Un amant fait sa cour où s’attache son cœur*,
Il veut de tout le monde y gagner la faveur ;
Et pour n’avoir personne à sa flamme contraire,
Jusqu’au chien du logis il s’efforce de plaire.