CLITANDRE
245 Oui, vous avez raison ; mais Monsieur Trissotin
M’inspire au fond de l’âme un dominant chagrin.
Je ne puis consentir, pour gagner ses suffrages,
À me déshonorer, en prisant ses ouvrages ;
C’est par eux qu’à mes yeux il a d’abord paru,
250 Et je le connaissais avant que l’avoir vu.
Je vis dans le fatras des écrits qu’il nous donne,
Ce qu’étale en tous lieux sa pédante personne,
La constante hauteur de sa présomption ;
Cette intrépidité de bonne opinion ;
255 Cet indolent* état de confiance extrême,
Qui le rend en tout temps si content de soi-même,
Qui fait qu’à son mérite incessamment il rit ;
Qu’il se sait si bon gré de tout ce qu’il écrit ;
Et qu’il ne voudrait pas changer sa renommée
260 Contre tous les honneurs d’un général d’armée.
HENRIETTE
C’est avoir de bons yeux que de voir tout cela.
CLITANDRE
Jusques à sa figure encor la chose alla*,
Et je vis par les vers qu’à la tête il nous jette,
De quel air il fallait que fût fait le poète ;
265 Et j’en avais si bien deviné tous les traits,
Que rencontrant un homme un jour dans le Palais,
Je gageai que c’était Trissotin en personne,
Et je vis qu’en effet la gageure était bonne.
HENRIETTE | |||||||||
| Quel conte ! | |||||||||
CLITANDRE | |||||||||
| Non, je dis la chose comme elle est : | |||||||||
| 270 | Mais je vois votre Tante. Agréez, s’il vous plaît, |
| Que mon cœur lui déclare ici notre mystère, | |
| Et gagne sa faveur auprès de votre Mère. |