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=== SCÈNE IV ===

CLITANDRE, BÉLISE.


    CLITANDRE
    Souffrez, pour vous parler, Madame, qu’un amant
    Prenne l’occasion de cet heureux moment,
    275  Et se découvre à vous de la sincère flamme...

    BÉLISE
    Ah tout beau, gardez-vous de m’ouvrir trop votre âme :
    Si je vous ai su mettre au rang de mes amants,
    Contentez-vous des yeux pour vos seuls truchements,
    Et ne m’expliquez point par un autre langage
    280  Des désirs qui chez moi passent pour un outrage ;
    Aimez-moi, soupirez, brûlez pour mes appas,
    Mais qu’il me soit permis de ne le savoir pas :
    Je puis fermer les yeux sur vos flammes secrètes,
    Tant que vous vous tiendrez aux muets interprètes* ;
    285  Mais si la bouche vient à s’en vouloir mêler,
    Pour jamais de ma vue il vous faut exiler.

    CLITANDRE
    Des projets de mon cœur ne prenez point d’alarme ;
    Henriette, Madame, est l’objet qui me charme,
    Et je viens ardemment conjurer vos bontés
    290  De seconder l’amour que j’ai pour ses beautés.

    BÉLISE
    Ah certes le détour est d’esprit, je l’avoue,
    Ce subtil faux-fuyant mérite qu’on le loue ;
    Et dans tous les romans où j’ai jeté les yeux,
    Je n’ai rien rencontré de plus ingénieux.
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