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ARMANDE 5  Ah ce oui se peut-il supporter ?

Et sans un mal de cœur saurait-on l’écouter ?

HENRIETTE
Qu’a donc le mariage en soi qui vous oblige,
Ma sœur…

ARMANDE
Ah mon Dieu, fi.

HENRIETTE
Comment ?

ARMANDE
Ah fi, vous dis-je.
    Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend,
    10  Un tel mot à l’esprit offre de dégoûtant ?
    De quelle étrange image on est par lui blessée ?
    Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?
    N’en frissonnez-vous point ? et pouvez-vous, ma Sœur,
    Aux suites de ce mot résoudre votre cœur ?

    HENRIETTE
    15  Les suites de ce mot, quand je les envisage,
    Me font voir un mari, des enfants, un ménage ;
    Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,
    Qui blesse la pensée, et fasse frissonner.

    ARMANDE
    De tels attachements, ô Ciel ! sont pour vous plaire ?

    HENRIETTE
    20  Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire,
    Que d’attacher à soi, par le titre d’époux,
    Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous ;
    Et de cette union de tendresse suivie,
    Se faire les douceurs d’une innocente vie ?
    25  Ce nœud bien assorti n’a-t-il pas des appas ?

    ARMANDE
    Mon Dieu, que votre esprit est d’un étage bas !
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