IIl6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
« Nous voulons, avant toute chose, renouveler le per- « sonnel du théâtre. Nous voulons ensuite simplifier l'ins- « trument de la scène, pour le mettre véritablement dans la « main du créateur, et que rien ne s'interpose plus entre la « réalisation scénique et l'inspiration du poète. Nous voulons, « sans affectation, sans érudition, sans esthétisme, recréer « un instrument dramatique moderne, afin de réaliser, sur la « scène, la liberté de l'esprit.
« Subordonner tout à l'intelligence de l'œuvre, ce n'est pas « une formule nouvelle. Tout le monde l'adopte ; mais per- ce sonne ne l'applique ; car, c'est l'art suprême. Connaître une « œuvre, savoir ce qu'est son style, l'exécuter dans son « diapason, c'est tout notre vieil art français, sans prétention, « qui ne souUgne rien, mais qui s'impose. Quand on est « devant une belle chose, il n'y a rien à dire : elle est.
« Eh bien, si vous avez aimé le Vieux Colombier lorsqu'il « en était à ses premiers essais, c'est parce que vous avez « confusément senti tout cela en germe,"c'est parce que vous « avez commencé à apercevoir, sur notre petite scène, la « pure configuration des chefs-d'œuvre. »
La salle éclate en applaudissements. Mais il l'interrompt d'un geste qui semble dire : Il ne s'agit pas de m'approuver, et puis de me souhaiter bonne chance...
Regardant droit son public, il va droit à son but :
a Je ne suis pas entré au théâtre à l'âge de 35 ans pour me « faire le serviteur des basses combinaisons habituelles. J'y « réaliserai ce que je sens que je puis réaUser, ou bien j'en sor- « tirai comme j'y suis venu. Je sens déjà que mes forces sont « limitées. J'ai besoin d'être aidé. J'ai besoin d'être suivi. « Si vous voulez que nous existions, si vous voulez que cette « grande chose à laquelle j'ai voué ma vie, existe, dites-le, « prouvez-le ! A vous de répondre. »
Telle est la puissance de la loyauté. La sincérité trouve encore des cœurs où la sympathie peut fleurir.
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