< Page:NRF 13.djvu
Cette page n’a pas encore été corrigée

l66 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pensé qu'à se faire recevoir solennellement en Sorbonne.

Il y a un certain monde, un univers de la pensée. Sur la face de ce monde peuvent se dessiner des géographies. Dans la profondeur de ce monde peuvent s'approfondir et se graver des géologies. Le public pour ainsi dire toujours croit et les philosophes presque toujours croient qu'ils se querellent les mêmes terres. Ni les uns ni les autres ils ne voient pas qu'ils s'enfoncent dans des conti- nents disparates.

C'est déjà beaucoup que d'avoir découvert l'Amérique. C'est beaucoup que d'avoir pénétré au cœur de l'Afrique. Que celui qui a découvert l'Amérique soit donc intitulé Américain. Et que celui qui a pénétré au cœur de l'Afrique soit salué du titre de deuxième, ou de cinquième, ou de sixième Africain. Sextus aut septimus ille Africanus. Tandis que si nous voulons que l'un, et que l'autre, et que chacun de tous ait découvert « la terre », évidemment nous risquerons de briser l'Américain sur l'Afrique, et sur l'Amérique, l'Africain.

Il y a une certaine éternité temporelle et spirituelle des philosophies qui vient de là. Il faut bien qu'un jour l'histoire arrive à se ranger à la géographie, comme la géographie s'est rangée à la géologie. On peut vous arracher le temporel que vous avez. On peut peut-être vous arracher le spirituel que vous avez. On ne peut pas vous arracher d'avoir eu ni le temporel ni le spirituel que vous avez eu. On peut abdiquer du temporel et peut-être du spirituel que l'on a. On ne peut pas abdiquer d'avoir eu ni le temporel ni le spirituel que l'on a eu. Il ne peut y avoir ici aucun désistement. Rien ne peut ôter à Christophe Colomb d'avoir découvert l'Amérique. C'est toujours

�� �

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.