la place de l’encrier, dès que je cherchais de l’encre, ma plume s’y heurtait. J’écrivis ton portrait, le dos à la fenêtre ; du café Stéphanie sortaient peu à peu les habitués, Wedekind et sa femme, et j ’entendais plus clairement la voix de sa femme, car il la portait toujours à califourchon sur son dos ; Kurt Eisner, qui soufflait pour le nettoyer dans son fume-cigarettes jusqu’à ce qu’il sifflât — parfois, les jours de grande fumerie, je n’entendais le sifflet que de très loin, près de l’Académie ; Max Halbe avec Lili Marberg, et j’entendais tout près la voix du gros Halbe comme si cette fois c’était Lili qui le portait sur ses épaules. J’écrivais lentement; pour chaque phrase sur toi,
je devais céder ainsi tout un écrivain bavarois, parfois avec son supplément. J’écrivais le prologue d’un roman appelé Pavel et Régina :
« Pavel, disait le premier chapitre, ne pardonnait jamais une phrase méchante prononcée devant lui. Enfant, alors qu’il n’avait point encore le droit de parler à table, si l’un des convives attaquait un absent, il frémissait, ses dents claquaient, il donnait tous les signes que provoque le vrai venin. Ses gouverneurs avaient dû veiller à ne jamais porter de jugements siu: ses amis ; on ne condamnait point, on n’exécutait point autour de lui. Les domestiques renvoyés partaient pour cause d’héritage, de noces... Ses maîtres s’habituaient à lui parler sans rigueur des défauts, des crimes. Si l’un d’eux décrivait un péché mortel, il surveillait les yeux de Pavel, excusant le péché à la première larme, à la première pression de son âme. Les méchants donc y gagnaient. Des travers intolérables vivaient en paix autour de lui. En somme il avait ses pauvres, mais