JOURNAL SANS DATES 279
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��.Le jour où La Rochefoucauld s'avisa de ramener et réduire aux incitations de l'amour-propre les mouve- ments de notre cœur, je doute s'il fit tant preuve d'une perspicacité singulière, ou plutôt s'il n'arrêta pas l'efïort d'une plus indiscrète investigation. Une fois la formule trouvée, Ton s'y tint et durant deux siècles et plus, on vécut avec cette explication. Le psychologue parut le plus averti, qui se montrait le plus sceptique et qui, devant les gestes les plus nobles, les plus exténuants, savait le mieux dénoncer le ressort secret de l'égoïsme. Grâce à quoi tout ce qu'il y a de contradictoire dans l'âme humaine lui échappe. Et je ne lui reproche pas de dénoncer « l'amour-propre » ; je lui reproche de s'en tenir là ; je lui reproche de croire qu'il a tout fait, quand il a dénoncé l'amour-propre. Je reproche surtout à ceux qui l'ont suivi, de s'en être tenus là.
On trouvera plus de profit à méditer ces phrases de Saint-Evremond (que je déplore de ne point rencontrer dans le choix qu'en a donné le Mercure non plus qu'en aucune anthologie) :
« Plutarque a jugé de l'homme trop en gros et ne l'a pas cru si différent qu'il est de lui-même ; méchant, vertueux, équitable, injuste, humain et cruel ; ce qui lui semble se démentir, il V attribue à des causes étrangères, etc ».
Elles sont d'un enseignement admirable.
Toute théorie n'est bonne que si elle permet non le repos mais le plus grand travail. Toute théorie n'est bonne qu'à condition de s'en servir pour passer outre. La théorie
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