LE PÈRE HUMILIÉ 573
PENSÉE. — Une seule chose que vous ne pouvez pas faire ! Un seul mot que vous ne pouvez pas dire !
ORIAN. — Qu'est-ce donc que je ne puis pas faire, petite fille ?
PENSÉE. — Que je voie mon âme tout entière dans la vôtre !
ORIAN. — Ouvrez donc les yeux, Pensée, et voyez !
PENSÉE. — Je ne les ouvrirai pas que je ne sache que vous m'avez pardonné.
ORIAN. — Eh quoi, pardonné seulement ?
PENSÉE, elle avance la main et des doigts lui touche légèrement la bouche. — Ah ! tais-toi, mon bien-aimé ! et ce mot que tu vas dire, ah, réserve-le-moi pour un autre moment, quand le corps et l'âme se séparent !
Tais-toi ! et ce mot qui n'est pas fait pour la terre, ce mot sans aucun son que tu me dis, voici que je l'ai lu sur tes lèvres !
ORIAN. — Venez que je voie mieux votre visage. Il l'attire aux rayons d'une lampe.
Pourquoi tenir les yeux baissés, ma colombe ?
Elle les lève vers lui.
PENSÉE. — Est-ce qu'ils sont beaux ?
ORIAN. — Assez pour que je les reconnaisse au delà de la mort ?
PENSÉE. — Si beaux ?
Elle les baisse lentement de nouveau.
ORIAN. — Ah, pourquoi me les cacher si tôt ? ah, lève-les de nouveau sur moi, ma bien-aimée ! •
PENSÉE. — Je suis aveugle !
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