588 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
LE PAPE PIE. — Aveugle ! C'est la fille du Comte de Coûfontaine ?
ORIAN. — L'Ambassadeur de France, oui.
LE PAPE PIE. — Il y a une tradition que jadis une demoiselle de Coûfontaine a sauvé Notre prédécesseur.
ORIAN. — Je ne sais.
LE PAPE PIE. — Vous savez que son père est Notre ennemi, en secrète union avec tous Nos persécuteurs ?
ORIAN. — Je ne veux rien savoir de cet homme.
LE PAPE PIE. — Et que la mère est née Juive, et que l'enfant sans doute a été élevée dans la haine du Christ ?
ORIAN. — Saint Père, elle est aveugle.
LE PAPE PIE. — Et vous qui voyez, c'est une aveugle que vous voulez prendre pour épouse ?
ORSO. — Comment essayer de m'expHquer ? Il ne faudrait pas avoir d'honneur ! Cette faiblesse qui me donne un droit sur elle, un devoir sur elle ! Il y a quelque chose en moi dont je sentais qu'elle ne pouvait se passer. Ces yeux où il n'y a pas besoin qu'il se forme une image pour qu'ils me voient.
ORIAN. -^ Vous entendez ce qu'il dit.
LE PAPE PIE. — Et que dis-tu toi-même ?
ORIAN. — Père, que faire ? Ce n'est pas ma faute 1 Tant qu'on n'aura pas trouvé autre chose que les femmes pour en être les enfants, jusque-là sur un cœur d'homme elle conserveront leur droit et leur empire.
Qui serait resté insensible en la voyant ainsi chancelante et aveugle et perdue au milieu de ténèbres irrémédiables, et appelant, et me tendant les bras !
La première personne en cette vie qui m'appelle et qui
�� �