LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 659
s'est tournée vers l'étranger quand elle avait besoin de distraction et de détente. Elle a caressé les robes espagnoles comme elle s'est promenée dans les jardins d'imagination, au clair de lune, par manière de jeu. Elle savait que pour bien penser il faut être un peu poète ; mais elle savait aussi que toute poésie est intime. Elle semblait avoir des fantaisies et des caprices. A regarder penser et sentir les autres, elle assistait à sa naissance véritable. Sous son instabilité apparente, sous le jeu des influences, sous son cosmopolitisme même, il y a élargissement, enrichisse- ment et suprématie de la sensibilité française. Elle a voulu pénétrer l'homme.
Notre pensée doit à cette aUiance singulière de la sensi- bihté et de l'inteUigence autant qu'à son indépendance d'avoir toujours été une réflexion sur l'activité humaine contemplée avec sympathie. Par là, elle prolonge la tradition hellénique. Plus proche de la nature, plus immé- diate, plus sensuelle, la Grèce, quand on la dégage des subtihtés orientales qui s'entrelacent dans les dialogues de Platon comme des arabesques intellectuelles, c'est le culte de l'animal humain plutôt que le culte de l'homme. La France est infiniment plus complexe. Elle a traversé le christianisme, puis la science. Elle a découvert la valeur active de l'idée vraie, après avoir découvert la valeur active de la croyance. Elle a reconnu dans l'art et la science, dont les valeurs constituent le monde spirituel, les formes de vie les plus hautes. Créatrice, elle a sculpté ses rêves et prêté à ses désirs la magie des couleurs et des mots. Morahste, elle a suivi le mouvement des conditions sociales et le développement des mœurs. Soucieuse du détail, elle a su ne pas trop s'y complaire ; il y a en elle
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