vraie vie spirituelle, l’idée du Vieux Colombier. Ce que la violence, la séparation, le deuil ont détruit, la pensée le reforme. Où qu’ils soient, en quelque condition qu’ils se trouvent, les fondateurs, les collaborateurs, les amis du Vieux Colombier pensent à cette petite maison menacée. Ils éprouvent qu’un sentiment commun les unit entre eux, et les relie à ce point du monde français. Ils prennent conscience d’une chose qui existait, là. Une chose plus belle peut-être et plus grande que nous n’avions nous-mêmes su la voir. Et même après que nous eûmes compris que la guerre serait longue, nous n’avons point renoncé à préserver, nourrir, fortifier en nous la foi qui nous montrait l’avenir et nous promettait une renaissance.
En 1913, nous disions :
Le théâtre est aux mains des cabotins et des marchands. Tout ce qui le touche s’avilit. Le vrai poète s’y refuse. Le vrai public s’en détourne. Une poignée de travailleurs convaincus, que l’indignation arrache à leur solitude d’écrivains et d’artistes, vont essayer de servir l’œuvre d’art au théâtre. Ils n’ont pour doctrine que leur conscience droite, leur désintéressement, le respect de la beauté. Gardiens de la culture, ils veulent rendre la vie aux chefs-d’œuvre des maîtres. Ouvriers de l’avenir, ils veulent que toute œuvre vraiment neuve et sincère trouve ses interprètes et son public. Ils veulent avant tout, sur des fondations intactes, élever un théâtre nouveau et, débarrassant la scène de ce qui l’opprime