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238 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

scories de charbon du sol. Un noir doubla l'extrémité du wagon auquel devait s'accrocher la machine ; brusque- ment apparu de derrière la file des voitures, il courait à toutes jambes à la rencontre de la locomotive. Sur un brusque crochet, il traversa l'ombre massive dont était mobile la voie devant le tender, et, de ses deux mains, s'agrippa à la poignée d'une aiguille : il tira à lui d'un violent effort des reins qui, au milieu de son corps cassé en deux à angle obtus, saillirent en forme de gonds lors- que ses jambes raidirent à la poussée des genoux et des pieds qui grossissaient de la résistance du sol : la branche de fonte que le noir amena à lui de ses deux poignets en déclencha une autre que la boule qui l'alourdissait abattit sur le sol contre lequel elle se fixa en vibrant et de tout le poids du bruit de la masse à son extrémité. Une foule avait envahi brusquement le quai, et maintenant des hommes en complet de toile kaki allaient de porte en porte des vv^agons et, se haussant un peu sur la pointe des pieds, avançaient le visage vers l'intérieur.

Mes camarades étaient arrivés eux aussi ; en cours de route, de la maison Ferrier à la gare, ils s'étaient arrêtés sous la varangue d'un débitant, me laissant seul longer des buissons jaunes que couvrait une croûte de poussière rouge — une croûte faite de cette poudre qui craquait sous mes semelles et dont étaient voilés les pieds de l'Echira qui me précédait, ma cantine à l'épaule.

Hilaire, debout dans le vide d'une portière, s'agitait de tout son corps, et il me criait : " Eh ! là-bas !.. l'isolé !.. par ici... nous sommes tous ici... "

Et c'est lorsque je fus assis entre la cloison et Weissen- thaner que je vis Martel passer sur le quai. J'avais avancé

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