460 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
thèse. — Donc, le roi de Sicile qui a « mené le repentir d'un saint* refuse encore de se pardonner à lui-même. Son entourage veut le remarier. La sage Paulina l'en dissuade, à moins qu'il ne trouve une femme qui soit le portrait vivant d'Hermione. « De telles épouses, il n'en est plus, donc plus d'épouses! » II mènera la pénitence jus- qu'au bout. C'est là qu'apparaissent les deux enfants, tels que se tiendraient devant lui son fils mort, sa fille perdue. Avec quelle joie il accueille le fils de son ami Bohême ! Ce fils ment agréablement en présentant la jeune fille comme sa femme et soudain se voit démentir : son père a fait prier le roi de l'arrêter. Léontès entend le jeune homme et promet de plaider sa cause, si du moins « son honneur n'a point été mis en déroute par ses désirs ». Il marche à la rencontre de Bohême. De cette rencontre émouvante, de la recon- naissance qui s'ensuit (Perdita est la fille de Léontès et d'Hermione) un gentilhomme nous donne le récit ; nous retrouvons aussi le berger et son fils devenus gens de qualité en conversation avec Autolycus ; c'est un intermède. Une plus grande merveille nous attend. Pauline conduira Léontès et ses visiteurs dans sa galerie d'objets précieux et leur fera contempler la statue peinte que Giulio Romano vient d'achever à la ressemblance de la feue reine. Le rideau s'entr'ouvre : Hermione est là. Comment Léontès l'admire, la chante, comment Perdita la salue, cela ne saurait être dit : il faut entendre le poète. Comment elle s'éveille à l'invite de Paulina, s'avance, tend la main, pardonne, comment elle étreint son époux, bénit sa fille et Florizel son nouveau fils, Madame Albane nous le montre — et ce miracle fantaisiste est littéralement bouleversant. Hermione a retrouvé son roi, Paulina « vieille tourterelle » épou- sera le loyal Camillo. Et nous ne saurons pas pourquoi la reine attendit quinze années avant de rendre son amour et sa personne au roi. Non, on ne nous le dira pas. — Mais quand ces personnages réellement vivants se retirent, il n'est pas un spectateur qui n'en- tende, au fond de soi, les paroles qu'ils échangent derrière le théâtre. Ce sont des paroles chrétiennes. « N'oubliez pas, dit-elle à Léontès, que nous avons fait deux victimes, notre cher petit prince et le fidèle Antigonus, vous par votre fureur jalouse et moi aussi, peut- être, par tels sourires inconsidérés à l'adresse de notre ami, qui ont pu vous faire douter de ma modestie. Même tout à fait innocente,
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