< Page:NRF 14.djvu
Cette page n’a pas encore été corrigée

SI LE GRAIN NE MEURT 66 1

portiers de lycée, vendait des billes, des hannetons, des toupies, du coco, des bâtons de sucre à la menthe, à la pomme ou à la cerise, des cordonnets de réglisse enroulés sur eux-mêmes à la façon des ressorts de montre, des tubes de verre emplis de grains à l'anis blancs et roses, maintenus à chaque extrémité par de l'ouate et par un bouchon ; les grains d'anis n'étaient pas fameux, mais le tube, une fois vide, pouvait servir de sarbacane. C'est comme les petites bouteilles qui portaient des étiquettes : cassis, anisette, curaçao, et qu'on n'achetait guère que pour le plaisir, ensuite, de se les suspendre à la lèvre, comme des ventouses ou des sangsues. Julien et moi d'ordinaire nous partagions nos emplettes ; aussi l'un n'achetait-il jamais sans consulter l'autre.

L'année suivante, Madame Jardinier et ma mère esti- mèrent qu'elles pouvaient porter à cinquante centimes leurs libéralités hebdomadaires. Cette largesse me permit enfin d'élever des vers à soie; ceux-ci ne coûtaient pas si cher que les feuilles de mûrier pour leur nourriture, que je devais aller prendre deux fois par semaine chez un herboriste de la rue Saint-Sulpice. Julien, que les chenilles dégoûtaient, déclara que désormais il achèterait ce qui lui plaisait, de son côté et sans m'en rien dire. Cela jeta un grand froid entre nous, et dans les sorties du mardi où il fallait aller deux par deux, chacun chercha un autre camarade.

11 y en avait un pour qui je m'étais épris d'une véri- table passion. C'était un Russe. Il faudra que je recher- che son nom sur les registres de l'Ecole. Qui me dira ce qu'il est devenu ? Il était de santé délicate, pâle extraor- dinairement ; il avait les cheveux très blonds, assez

3

�� �

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.