9l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
d'extase ou de transe, et dont nous voyons heureusement diminuer la vogue et l'influence.
De même la peinture dont certains poètes d'aujourd'hui imitent les procédés est justement celle qui procède par taches et fait fi de la perspective. Le rapprochement mérite d'être noté.
Plus curieuse encore est l'explication, proposée par M. Paul Valéry, de ce qu'il appelle « notre ruine », c'est-à- dire la ruine de l'eifort symboliste.
« Il faut supposer... que notre voie était bien l'unique ; « que nous touchions par notre désir à l'essence même « de notre art, et que nous avions véritablement déchiffré <c la signification d'ensemble des labeurs de nos ancêtres, « relevé ce qui paraît dans leurs œuvres de plus délicieux, « composé notre chemin de ces'vestiges, suivi à l'infini cette « piste précieuse,... à l'horizon toujours la poésie pure... « Là, le péril ; là, précisément notre perte ; et là même, le <( but.
« Car c'est une limite du monde qu'une vérité de cette « espèce ; il n'est pas permis de s'y établir. Rien de si pur « ne peut coexister avec les conditions de la vie. Nous « traversons seulement l'idée de la perfection, comme la « main impunément tranche la flamme... notre tendance vers « l'extrême rigueur de l'art — vers une conclusion des prémis- « ses que nous proposaient les réussites antérieures, — vers « une beauté toujours plus consciente de sa genèse, toujours « plus indépendante de tous sujets, et des attraits sentimen- « taux vulgaires comme des grossiers eflfets de l'éloquence, « — tout ce zèle trop éclairé, peut-être conduisait-il à quel- « que état presque inhumain. »
Certes ! lorsque le poète ou l'artiste se flatte de se passer de sujet, il ne voit pas que son art, sous prétexte de pureté, n'a plus d'autre objet que soi-même, c'est-à-dire, au bout de très peu de temps, que ses propres moyens. Les réflexions
�� �