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Il est le premier et il a la croix. Bon. Il prépare sa journée : félicitations, joie des parents, triomphe modeste. Dimanche matin il ira chez la tante Catherine, comme tous les dimanches. La tante est une femme revêche qui le regarde par-dessus ses lunettes et le toise, et semble toujours lui dire : “Tu sais, tu n'es pas plus haut que ça...” Mais cette fois-ci, ah ! mais... Il entrera dans la salle et s'arrêtera près de la porte. Sa croix a un beau ruban rouge ; la tante dira : “Mais tu as la croix !” et elle lui donnera deux sous. Surtout il sent qu'il sera enfin quelqu'un aux yeux de la vieille.

Vient le matin. L'Enfant entre : déception, la tante n'est pas dans la salle. Il va au jardin ; elle y est, elle mange un morceau de pain avec des prunes. Il s'avance, elle ne dit rien. Son cœur se gonfle ; enfin il se décide :

— Bonjour, tante.

— Bonjour, dit-elle.

Il faut pourtant en sortir.

— Tu vois, dit-il, j'ai la croix.

— Ah, répond-elle, tu as la croix. Moi aussi, je l'avais tout le temps, à l'école. Ça ne m'a pas empêchée d'avoir un mari ivrogne, et maintenant des douleurs plein les jambes. Enfin, ça ne fait rien. Tu l'as, garde-la.

Et elle lui donne cinq sous. C'est beaucoup, mais quel effet manqué ! Il s'en va et traine toute la journée sa mauvaise humeur.


Dès qu'il eut sept poils de barbe, il comprit que le village était insuffisant pour lui. Ses parents combattaient cette idée

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