< Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra.djvu
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore pas de Dieu du tout, plutôt encore faire les destinées à sa propre tête, plutôt être fou, plutôt être Dieu soi-même ! »

— « Qu’entends-je ! dit en cet endroit le vieux pape en dressant l’oreille ; ô Zarathoustra tu es plus pieux que tu ne le crois, avec une telle incrédulité. Il a dû y avoir un Dieu quelconque qui t’a converti à ton impiété.

N’est-ce pas ta piété même qui t’empêche encore de croire à un Dieu ? Et ta trop grande loyauté te conduira encore par delà le bien et le mal !

Vois donc, ce qui a été réservé pour toi ? Tu as des yeux, une main et une bouche, qui sont prédestinés à bénir de toute éternité. On ne bénit pas seulement avec la main.

Auprès de toi, quoique tu veuilles être le plus impie, je sens une odeur secrète de longues bénédictions : je la sens pour moi, à la fois bienfaisante et douloureuse.

Laisse-moi être ton hôte, ô Zarathoustra, pour une seule nuit ! Nulle par sur la terre je ne me sentirai mieux qu’auprès de toi ! » —

« Amen ! Ainsi soit-il ! s’écria Zarathoustra avec un grand étonnement, c’est là-haut qu’est le chemin, qui mène à la caverne de Zarathoustra.

En vérité, j’aimerais bien t’y conduire moi-même, vénérable, car j’aime tous les hommes pieux. Mais maintenant un cri de détresse m’appelle en hâte loin de toi.

Dans mon domaine il ne doit arriver malheur à personne : ma caverne est un bon port. Et j’aimerais le mieux remettre sur terre ferme et sur des jambes solides tous ceux qui sont tristes.

    Cet article est issu de Wikisource. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.