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draient te convaincre qu’ils sont la fin de toute chose :

tellement ils sont vains.

Les sens et l’esprit ne sont qu’instruments et jouets : derrière eux se trouve encore le soi. Le soi cherche aussi avec les yeux des sens et il écoute avec les oreilles de l’esprit.

Toujours le soi écoute et cherche : il compare, soumet, conquiert et détruit. Il règne et gouverne aussi sur le moi.

Derrière tes sentiments et tes pensées, mon frère, se trouve un maître plus puissant, un sage inconnu — il s’appelle soi. Il habite dans ton corps, il est ton corps.

Il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse. Et qui donc sait à quoi bon ton corps a précisément besoin de ta meilleure sagesse ?

Ton soi rit de ton moi et de ses bonds fiers. « Que me sont ces bonds et ces vols de la pensée ? dit-il. Un détour vers mon but. Je suis la lisière du moi et le souffleur de ses idées. »

Le soi dit au moi : « éprouve des douleurs ! » Et il souffre et réfléchit à ne plus souffrir — et c’est à cette fin qu’il doit penser.

Le soi dit au moi : « éprouve des joies ! » Alors il se réjouit et réfléchit à se réjouir encore souvent — et c’est à cette fin qu’il doit penser.

Je veux dire un mot aux contempteurs du corps. Qu’ils méprisent, c’est ce qui fait leur estime. Qu’est-ce qui créa l’estime et le mépris et la valeur et la volonté ?

Le soi créateur se créa l’estime et le mépris, et le la joie et la peine. Le corps créateur se créa l’esprit comme une main de sa volonté.

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