On sait que, dans certaines affections du système
nerveux, le malade, sans qu’aucun de ses organes
soit lui-même atteint, est enlizé dans une sorte d’impossibilité
de vouloir, comme dans une ornière profonde,
d’où il ne peut se tirer seul, et où il finirait
par dépérir, si une main puissante et secourable ne
lui était tendue. Son cerveau, ses jambes, ses poumons,
son estomac, sont intacts. Il n’a aucune incapacité
réelle de travailler, de marcher, de s’exposer au froid,
de manger. Mais ces différents actes, qu’il serait
très capable d’accomplir, il est incapable de les vouloir.
Et une déchéance organique qui finirait par
devenir l’équivalent des maladies qu’il n’a pas serait
la conséquence irrémédiable de l’inertie de sa volonté,
si l’impulsion qu’il ne peut trouver en lui-même
ne lui venait de dehors, d’un médecin qui
voudra pour lui, jusqu’au jour où seront peu à peu
rééduqués ses divers vouloirs organiques. Or, il
existe certains esprits qu’on pourrait comparer à
ces malades et qu’une sorte de paresse[1] ou de frivo-
- ↑ Je
la sens en germe chez Fontanes, dont Sainte-Betive a dit :
« Ce côté épicurien était bien fort chez lui... sans ces habitudes un
peu matérielles, Fontanes avec son talent aurait produit bien
davantage... et des œuvres plus durables. » Notez que l’impuissant
prétend toujours qu’il ne l’est pas ; Fontanes dit :
et assure qu’il travaille beaucoup. Le cas de Coleridge est déjà plus pathologique. « Aucun homme de son temps, ni peut-être d’aucun temps, dit Carpenter (cité par M. Ribot dans son beau livre sur les Maladies de la Volonté), n’a réuni plus que Coleridge la puissance du raisonnement du philosophe, l’imagination du poète, etc. Et pourtant, il n’y a personne qui, étant doué d’aussi remarquables talents, en ait tirés
Je perds mon temps s’il faut les croire.
Eux seuls du siècle sont l’honneur